Le contenu de la loi immigration déclaré conforme par la Constitution
Par Régularisation Séjour
Les onzes articles déclarés conformes à la Constitution
Ces onze articles de la loi que nous détaillons ci-dessous proviennent essentiellement du projet de loi initial de 27 articles déposé le 1er février 2023 au Sénat par le ministre de l’Intérieur.
L’article 2 résulte d’un amendement parlementaire qui a introduit des dispositions pour préciser les conditions de réacheminement à la frontière : « Si l’entreprise de transport aérien ou maritime se trouve dans l’impossibilité de réacheminer l’étranger en raison de son comportement récalcitrant, seules les autorités chargées du contrôle des personnes à la frontière sont compétentes pour l’y contraindre. » Le Conseil constitutionnel a validé cette disposition en rejetant le grief soulevé que cet article était un cavalier législatif.
L’article 35 est relatif à la suppression des protections contre l’expulsion pour certains étrangers a été validé. Il était soutenu dans le recours que ce dispositif était contraire au principe d’égalité. Le Conseil constitutionnel rappelle dans son considérant n° 113 : « Aucun principe non plus qu’aucune règle de valeur constitutionnelle n’assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d’accès et de séjour sur le territoire national. Les conditions de leur entrée et de leur séjour peuvent être restreintes par des mesures de police administrative conférant à l’autorité publique des pouvoirs étendus et reposant sur des règles spécifiques. Il appartient au législateur d’assurer la conciliation entre, d’une part, la prévention des atteintes à l’ordre public et, d’autre part, le respect des droits et libertés reconnus à toutes les personnes qui résident sur le territoire de la République. Parmi ces droits et libertés figurent la liberté d’aller et de venir, le droit au respect de la vie privée et le droit de mener une vie familiale normale. » Que l’étranger pouvant notamment exercer un recours contre la décision d’expulsion devant le juge administratif par la voie des procédures de référé-suspension et de référé-liberté, le législateur n’avait pas porté d’atteintes arguées aux libertés : « 120. Dès lors, le législateur a assuré une conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée entre, d’une part, l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et, d’autre part, la liberté d’aller et de venir, le droit au respect de la vie privée et le droit de mener une vie familiale normale. Les griefs tirés de la méconnaissance de ces exigences constitutionnelles doivent donc être écartés. »
L’article 37 qui crée une ordonnance de quitter le territoire français applicable aux étrangers qui bénéficient habituellement d’une protection contre l’expulsion a été validé. Le Conseil a considéré qu’en adoptant les dispositions contestées « le législateur a entendu permettre qu’une décision portant obligation de quitter le territoire français puisse être prononcée y compris à l’encontre d’étrangers qui bénéficiaient jusqu’alors d’un régime de protection. Il a ainsi poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public. » (Cons. 129) et qu’en tout état de cause « le législateur a assuré une conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée entre, d’une part, l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et, d’autre part, la liberté d’aller et de venir, le droit au respect de la vie privée et le droit de mener une vie familiale normale. Les griefs tirés de la méconnaissance de ces exigences constitutionnelles doivent donc être écartés. » (Cons. 133).
L’article 39 qui autorise la création d’un fichier des mineurs non accompagnés délinquants a été validé. Cet article insère dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et droit d’asile un nouvel article L. 142-3-1 qui dispose : « Afin de faciliter l’identification des mineurs se déclarant privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille à l’encontre desquels il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’ils aient pu participer, comme auteurs ou complices, à des infractions à la loi pénale ou l’établissement d’un lien entre plusieurs infractions commises par un seul de ces mineurs, les empreintes digitales ainsi qu’une photographie de ces derniers peuvent être relevées dans les conditions prévues aux articles L. 413-16 et L. 413-17 du Code de la justice pénale des mineurs, être mémorisées et faire l’objet d’un traitement automatisé dans les conditions prévues par le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) et par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
L’article 42 du texte qui concerne l’allongement de la durée d’assignation à résidence des étrangers a été validé avec une réserve interprétative. Il était soulevé dans l’un des recours parlementaires que ce dispositif portait atteinte à la liberté d’aller et de venir et au droit à mener une vie familiale normale. En effet, le Conseil juge que cet article ne porte pas une atteinte disproportionnée aux exigences constitutionnelle sous la réserve que l’autorité administrative retienne « lors de chaque renouvellement, des conditions et des lieux d’assignation à résidence tenant compte, dans la contrainte qu’ils imposent à l’intéressé, du temps passé sous ce régime et des liens familiaux et personnels noués par ce dernier. » (Cons. 155).
L’article 44 relatif à l’exclusion des étrangers majeurs de moins de 21 ans et des mineurs émancipés de l’aide sociale à l’enfance s’ils sont visés par une obligation de quitter le territoire français est validé. Dans leur recours, les députés requérants soutenaient que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture au Sénat selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution. Le Conseil constitutionnel a jugé que « ces dispositions ne peuvent être regardées comme dépourvues de lien, même indirect, avec celles précitées de l’article 10 du projet de loi initial. » (Cons. 160).
L’article 46 emblématique qui instaure une condition de « respect des principes de la République » pour obtenir un titre de séjour. Cet article modifie le livre IV du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile en complétant son chapitre II par une section 3 intitulée « « Contrat d’engagement au respect des principes de la République » avec notamment un nouvel article L. 412-7 ainsi rédigé : « L’étranger qui sollicite un document de séjour s’engage, par la souscription d’un contrat d’engagement au respect des principes de la République, à respecter la liberté personnelle, la liberté d’expression et de conscience, l’égalité entre les femmes et les hommes, la dignité de la personne humaine, la devise et les symboles de la République au sens de l’article 2 de la Constitution, l’intégrité territoriale, définie par les frontières nationales, et à ne pas se prévaloir de ses croyances ou de ses convictions pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre les services publics et les particuliers.
L’article 66 qui élargit les cas dans lesquels l’OFII est tenu de retirer le bénéfice des conditions matérielles d’accueil a été validé. Dans leur recours les députés requérants soutenaient que ces dispositions ne permettraient plus à l’autorité administrative de prendre en compte la situation particulière du demandeur d’asile lorsqu’elle refuse les conditions matérielles d’accueil ou décide d’y mettre fin, une telle décision revêtant le caractère d’une sanction automatique, privant ainsi le demandeur d’asile et sa famille de moyens convenables d’existence.
L’article 70 mettant fin au principe de la collégialité pour les jugements rendus par la Cour nationale du droit d’asile a été validé. Cette disposition a été critiquée tant par les députés requérants qui y voyaient notamment une atteinte au droit à un recours effectif et au droit de la défense que par les sénateurs requérants qui dénonçaient un risque d’atteinte au droit à un procès équitable, aux droits de la défense et au principe d’égalité devant la justice. Les contributions extérieures produites par la Conférence des bâtonniers de France et le Conseil national des barreaux dénonçaient également une atteinte.
Les articles 72 et 76 qui prévoient des extensions au recours à la visioconférence pour les audiences concernant les centres et les locaux de rétention administratifs (CRA, LRA) et les zones d’attente sont validés. Les députés requérants soulevaient le fait que ces dispositions portaient atteinte au procès équitable, au respect de la liberté individuel ainsi qu’au droit d’asile. La Conférence des bâtonniers de France et le Conseil national des barreaux dénonçaient également de telles atteintes dans leurs contributions extérieures. Le Conseil constitutionnel juge que le grief tiré de la méconnaissance du droit à un procès équitable doit être écarté.
L’article 77 qui procède à l’allongement à 48 heures du délai pour statuer du juge des libertés et de la détention dans les zones d’attente est validé. Les députés requérants faisaient grief à ce dispositif qui ne viserait qu’à pallier l’insuffisance des moyens mis en œuvre par l’État et qu’il serait porté une atteinte disproportionnée à la liberté individuelle. Le Conseil constitutionnel a rejeté ce grief en considérant qu’il ne portait pas atteinte à l’article 66 de la Constitution et au rôle de gardienne des libertés individuelles qui est attribuée à l’autorité judiciaire.
Les onze articles validés présentés ci-dessus témoignent à l’évidence d’un durcissement de la loi sur l’immigration française. La décision rendue par le Conseil valide les dispositions essentielles du projet de loi présenté initialement par le gouvernement.